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La garantie de paiement des marchés privés

15-12-2017 | Droit de la construction   
 

La question de la mise en œuvre de la garantie de paiement des sommes dues à l’entrepreneur en vertu d’un marché de travaux privé, visé au 3° de l’article 1779 du code civil (louage d’ouvrage et d’industrie des architectes, entrepreneurs d’ouvrages et techniciens par suite d’études, devis ou marché), telle que prévue par l’article 1799-1 du code civil, se pose de manière récurrente pour des raisons financières et d’opportunité.

Si le maître d’ouvrage a eu recours à un crédit spécifique, le paiement des sommes dues à l’entrepreneur intervient directement entre ses mains sur l’ordre écrit du maître d’ouvrage. Si le maître d’ouvrage n’a pas eu recours ou de manière partielle, à un tel crédit, il doit, à due concurrence, produire un cautionnement solidaire consenti par un établissement financier.

A défaut, « tant qu’aucune garantie n’a été fournie, et que l’entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut sursoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l’issue d’un délai de quinze jours. »

En premier lieu, pour des raisons financières. Il n’est pas rare de rencontrer un promoteur immobilier qui reconnaît son incapacité à mobiliser les fonds correspondant au montant des marchés signés pour un programme un peu ambitieux et qui, de fait, ne fournit pas la garantie de paiement du prix des travaux, alors que dans le même temps, il exige de l’entreprise un engagement au titre de la garantie de bonne fin et de la retenue de garantie dans des proportions qui ne sont jamais inférieures à 10 % du montant global du marché.

En second lieu, pour des raisons d’opportunité inhérentes au déroulement du marché. Reprochant à l’entreprise une non-conformité de ses travaux ou un retard sur le planning, le maître d’ouvrage décide de ne pas procéder au paiement des situations en cours correspondant à des travaux réalisés.

En dépit du caractère d’ordre public de ces dispositions et de l’apparente simplicité de leur mise en œuvre, de nombreux litiges naissent lors de leur application. La jurisprudence y répond de manière claire.

En premier lieu, la disposition selon laquelle l’entrepreneur dispose de la possibilité de suspendre l’exécution du contrat est d’ordre public et le maître d‘ouvrage ne peut y déroger.  (Cass. Civ. 1er décembre 2014, n°03-13949).

Cette obligation naît à la signature du marché et sa mise en œuvre ne peut dépendre des évènements qui lui sont postérieurs (Cass. Civ. 3ème, 9 septembre 2009 : Bull. Civ. III, n°182).

La garantie de paiement doit être fournie pour le montant total du marché, y compris la retenue de garantie et les avenants, même si le maître d’ouvrage invoque un manquement de l’entreprise (Cass. civ. 3 novembre 2015, n°09-70325).

L’obligation de fournir la garantie de paiement pèse donc sur le maître d’ouvrage aussi longtemps que l’entreprise n’a pas été payée de ses travaux et peut être sollicitée à tout moment, même après la réalisation des travaux. (Cass. civ. 3ème, 15 septembre 2016, n°15-19648) :

La jurisprudence accorde ainsi à l’entrepreneur la possibilité de solliciter à tout moment, même sous astreinte, la condamnation du maître de l’ouvrage à fournir une garantie de paiement pour le montant des travaux restant impayés, sans que ce dernier puisse lui opposer des retards d’exécution, des réserves non levées ou l’existence de préjudices financiers (Cass, 3ème civ, 24 avril 2003 : n° 01-13.439 ; Cass. civ. 3ème, 15 septembre 2016, n°15-19648).

 « ALORS QUE l'entrepreneur peut exiger du maître de l'ouvrage la fourniture d'une garantie de paiement tant qu'il n'a pas été réglé des sommes qui lui sont dues au titre de son marché, peu important qu'il ait exécuté les travaux sans être payé et qu'il n'ait pas exigé, lors de cette exécution, la fourniture de la garantie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1799-1 du code civil. »

Les juges du fond en ont déduit que la réunion des conditions exigées par l’article précité autorise l’entreprise à surseoir à l’exécution des travaux, notamment ceux relatifs à la levée des réserves (CA Paris, 11 juin 2014, n° 12/22301, CA. Paris, 11 décembre 2013, n° 12/15567).